Témoignage DOM-TOM : vivre à Mayotte comme Marina

Aujourd’hui, je vous propose une nouvelle destination à découvrir de toute urgence : Mayotte ! C’est par le biais de Marina qui y a habité de longues années avec sa petite famille que nous allons avoir un aperçu de la vie sur cet archipel de l’Océan Indien. Son témoignage est vraiment passionnant et surtout, on apprend beaucoup de chose sur ce département plutôt méconnu des français. Enfer ou paradis bleu ? Vous saurez tout en lisant cet article !

VIVRE À MAYOTTE :
Interview de Marina

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Bonjour Marina, ravie de pouvoir échanger avec toi. Tu te présentes à nos lecteurs en quelques mots ? 

Je m’appelle Marina. Je suis russe, amoureuse de la France, de l’écriture (vous pouvez lire mon blog en anglais marinaexpatchameleon) et des voyages au sens large du terme. En fait, j’aime VIVRE dans de nouveaux pays en plongeant dans leurs langue, culture et tradition et pas seulement y voyager.

Cela fait donc plus que 10 ans que j’ai quitté Moscou pour m’installer d’abord dans le cadre de mes études en Suède, en Angleterre et en France ; puis pour travailler à Dubaï et de nouveau, mais cette fois-ci accompagnée de mon mari, à Paris. Mon époux, appelons-le le Chef, est un peu comme moi et avait parcouru plusieurs continents avant de s’installer aux Emirats.

C’est au bout de nos 3 années de vie parisienne que nous sommes partis vivre à Mayotte suite à la mutation de mon mari. Nous étions alors trois avec notre fille Slatki âgée de 10 mois (ceci n’est pas non plus son vrai prénom) à nous embarquer dans cette aventure mahoraise. Nous en sommes repartis à quatre avec notre fils né à Mamoudzou.

Pourquoi avoir choisi Mayotte ? 

Je travaillais à l’époque dans le marketing du luxe, un métier que j’aimais bien. Pourtant ce milieu est très prisé et il n’y a pas beaucoup de postes. Paris pour moi était un rêve d’adolescente, une ville que j’adorais en tant qu’étudiante mais elle est devenue un peu trop étroite pour notre famille qui s’est agrandie …

Mayotte n’était donc pas une destination recherchée mais l’occasion de s’échapper de Paris. De mon côté, je passais des entretiens pour travailler à Hambourg – comme tu vois une option d’expatriation complètement différente. Je me demandais en rigolant avec mon mari si je voulais être mayonnaise ou hamburger (le vrai nom de la population est « mahorais »). Mayotte n’a pas une bonne image en France et tous les documentaires existants ne parlent que d’insécurité et d’immigration clandestine sur l’île, ce qui n’est pas très rassurant en soi.

Côté personnel, je n’avais connu avant que de grosses villes et je me considérais comme une « claustrophobe urbaine ». De plus, déménager à Mayotte voulait dire pour moi quitter, probablement définitivement, ma carrière pour plonger dans l’inconnu. C’est en parlant avec d’autres femmes qui y habitaient et travaillaient que j’ai pu prendre ma décision finale.

On entend beaucoup de choses sur Mayotte … Peux-tu nous en dire plus ? Y a-t-il un réel problème ? 

Bon, il y en a plusieurs en fait. Avant que je vous raconte le reste de cette histoire, je voudrais faire une parenthèse pour expliquer le contexte socio-économique de cette île.

Mayotte est une petite île (en vrai, un ensemble de deux îles principales – Petite et Grande Terre) située entre le Mozambique et Madagascar et qui fait partie de l’archipel des Comores. Sa population officielle est de 260 000 habitants environ pour une superficie minuscule de 39 km de long et 22 km de large. Depuis 2011, c’est officiellement le 101ème département de la République, et les mahorais sont très fiers d’être français.

À trois reprises lors des referendums – en 1974, 1976 et 2009 – ils ont voté pour faire partie de la France et cette dernière a accepté volontiers. L’Etat voisin dont Mayotte a obtenu son indépendance en 1976, l’Union des Comores, n’a pourtant jamais cessé de revendiquer l’île. Les Nations Unies ont d’abord condamné l’annexion de Mayotte par la France, mais comme la France a le droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU, l’Assemblée Générale a cessé de soulever la question.

Pour de nombreux Comoriens, Mayotte est une sorte d’Eldorado avec la promesse d’un avenir meilleur alors que leur propre pays souffre de pauvreté et des coups d’état répétés. En outre, les quatre îles des Comores sont liées historiquement et il est donc rare de trouver des relations à Mayotte qui n’ont pas de la famille sur d’autres îles. Par conséquence, les Comoriens malgré tous les risques et les conséquences juridiques que leur État prend à leur encontre en cas d’échec, tentent tout de même de migrer vers Mayotte où ils se sentent complètement chez eux.

Au fait, Jus Soli (la règle de droit attribuant une nationalité à une personne physique en raison de sa naissance sur un territoire donné) qui s’applique normalement en France, est fortement restreint à Mayotte – une autre tentative pour limiter l’immigration illégale. Cependant cette mesure, comme de nombreuses autres, ne fonctionne pas vraiment et les Comoriens ainsi que les malgaches et les africains, continuent de venir à Mayotte par des bateaux légers appelés Kwassa Kwassa. La population de Mayotte a triplé depuis 1991 et le taux de population né à l’étranger est de 40%. Environ la moitié de la population a moins de 15 ans et beaucoup d’entre eux n’ont pas d’autres moyens pour survivre que de voler. Ces gens vivent dans des bangas – de petites maisons en palmiers et tôles.

Mayotte est le territoire français d’outre-mer le plus pauvre où la grande majorité de la population vit dans des bidonvilles. Du coup, il y a beaucoup trop de monde sur l’île pour que l’état puisse garantir un niveau sanitaire et d’éducation corrects. Maintenant que notre destination est plus claire, revenons à notre déménagement.

Comment s’est passé votre déménagement à Mayotte ? 

Nous sommes venus via un contrat d’expat qui devait durer au moins 3 ans. Nous avons eu la chance d’avoir notre déménagement pris en charge par l’employeur du Chef. Nous avions droit à 25 m3 dans le conteneur et vu que nous habitions un appartement meublé, nous avons acheté juste avant notre départ quelques meubles de base chez Ikea ainsi que de l’électroménager (l’article «  What to pack when you leave to live in Mayotte  »). C’était une idée brillante car tout est au moins 30% plus cher à Mayotte et il y a très peu de choix.

Nous avons cherché à acheter une voiture en métropole aussi, les voitures sur l’île étants très chères et d’habitude pas en bon état. Mais finalement, nous avons décidé d’en acheter une sur place. Une voiture ce n’est pas du luxe mais une nécessité à Mayotte. Il n’y a pas de transport public, pas beaucoup de trottoirs et les taxis ne se réservent pas ! Nous avons eu beaucoup de chance de trouver une bonne voiture à un prix correct sur place.

Et comment était ta maison Mahoraise ? 

Le bureau du Chef étant basé dans la plus grande ville de la Préfecture à Mamoudzou, nous ne nous sommes pas trop posés la question sur le lieu d’habitation. La majorité des expatriés de Mamoudzou logent dans le quartier des Hauts Vallons, un peu en dehors du centre-ville. Nous ne devions pas échapper à la règle mais finalement nous avons eu une proposition pour habiter une des maisons de fonction en haut de la colline dans Mamoudzou même.

Le gros avantage de cette maison était la vue sur le lagon s’étalant jusqu’à l’horizon. Notre maison était presque parfaite, elle avait juste un “petit” défaut : l’absence de piscine. Le problème là-bas c’est que les plages les plus proches de Mamoudzou sont à 30-45 minutes de la ville, alors parfois, quand on n’est pas trop aventureux, la piscine est juste plus simple et plus pratique.

Mais attention, les prix de location à Mayotte surtout avec une piscine sont très élevés et peuvent être comparés au marché immobilier de Lyon. Encore une particularité des maisons mahoraises est la présence de muraille barbelée tout autour des habitations et les grilles sur toutes les fenêtres. Dommage mais l’insécurité oblige de tels moyens de protection.

Oui j’imagine … Et sinon, pas trop compliqué de faire garder tes enfants ? 

Il y a très peu de crèches à Mayotte et comme en Métropole, il faut s’inscrire sur une liste d’attente bien longtemps à l’avance. Il n’y a pas de crèches municipales sur l’île mais elles sont toutes subventionnées et leurs tarifs dépendent des revenus de la famille. Quant aux assistantes maternelles, il n’y en a pas d’agrées sur l’île.

Nous étions chanceux d’avoir eu une place pour notre fille presque tout de suite, mais … aux Hauts Vallons, le quartier où nous devions vivre initialement. Au final, nous avons passé un an dans les bouchons ! À Mayotte, il n’y a qu’une seule grande route nationale le long du littoral de l’île qui relie le nord au sud. Du coup, les bouchons sont au rendez-vous. Ce n’est que plus tard quand notre fille a eu 2 ans, que nous avons pu la mettre dans une toute petite section d’une école privée à côté de la maison.

En parlant d’école, le niveau d’éducation n’est pas élevé sur l’île à cause du problème de surpopulation. Dans le collège où j’enseignais, il y avait 1700 élèves et ce n’était pas le plus gros collège. La grande majorité des professeurs sont contractuels et ils ne sont pas tous motivés par l’amour de transmettre. Il y a quelques écoles privées (de maternelle au collège mais pas de lycées) mais leur niveau n’est pas bien mieux.

En règle générale, l’éducation à Mayotte n’est pas un problème jusqu’au collège mais plus tard c’est mieux de scolariser les enfants ailleurs …

Peux-tu nous en dire plus sur le travail à Mayotte ?

Entre le déménagement et l’installation, notre fille a eu 1 an et je me suis dit qu’il était temps pour moi de reprendre le travail. Comme vous pouvez l’imaginer, il n’y a pas beaucoup de jobs en marketing sur l’île et encore moins dans le luxe. Il fallait donc que je me réinvente complètement.

Une des solutions de travail à Mayotte, peu importe votre parcours, est d’être enseignant. Avec le taux de la fécondité de 4,7 enfants par femme, il y a toujours plus d’enfants sur l’île qu’il n’y a des professeurs qualifiés. Pour attirer les professeurs à Mayotte, le rectorat vous paie 40% de plus par rapport à la métropole (la prime de la vie chère), et il y a beaucoup de postes contractuels. De plus, si on postule (site https://bv.ac-mayotte.fr/) et qu’on reçoit son poste en étant encore en métropole, on bénéficie de 10 000 euros de prime d’installation.

Et côté vie sociale, tu as-pu faire des rencontres, des amis ? 

Mayotte c’est tout petit, là-bas tout le monde se connait, tout le monde se croise. Cela peut être positif ou négatif selon ces goûts mais pour ma part, pour une fille des grandes villes … j’ai adoré ! C’est pratique de retrouver tout ce que tu veux (bon, ok, il n’y a pas grand-chose) prêt de chez soi et de traverser la ville aux heures creuses en 10 minutes.

De plus, dès que nous sommes arrivés, nous avons été chaleureusement accueillis par les collègues du Chef qui sont devenus des amis très proches. Les garçons travaillaient ensembles, les filles se voyaient à part et les weekends étaient réservés aux sorties plages ou aux soirées piscine chez les uns et les autres. Je n’avais pas ressenti cette ambiance de fête et de voisinage depuis mes soirées à la fac.

Je n’ai pas eu beaucoup d’amis avec des locaux mais j’ai développé de bonnes relations avec certaines collègues mahoraises qui ont toujours été très bienveillantes et chaleureuses avec moi. Ces relations un peu froides au premier abord peuvent évoluer très vite. Par exemple, une fille locale rencontrée grâce au volontariat effectué chez Médecins du Monde, m’a invité le jour de notre rencontre … au mariage de sa cousine (j’ai appris ensuite que c’est tout à fait dans les mœurs) !

C’est comment de vivre à Mayotte au quotidien ? 

Les inconvénients :
Je ne vais pas vous mentir, il y a bien des problèmes d’insécurité à Mayotte mais dans la majorité des cas, ce sont des règlements de comptes entre gangs dont on lit les faits le matin dans les journaux. Personnellement nous n’avons jamais eu des soucis mais nous connaissons des gens qui ont été attaqués par des voyous. Pour éviter les problèmes, il ne faut jamais sortir la nuit, faire des randonnées seulement en groupe et respecter les règles de bon sens : ne pas laisser trainer de téléphone, d’objets de valeur et le sac à main.

Un autre problème de la vie quotidienne à Mayotte c’est le manque de choix et les prix élevés. Cela s’applique à tout : les produits d’alimentation, les vêtements, les meubles … Finalement on achète beaucoup moins car on a moins de tentations. Mais vous savez, ça fait du bien aussi une petite détox de consommation. La seule chose qui nous a personnellement beaucoup manqué, c’est le faible choix de fruits et légumes. Malgré la localisation tropicale, l’agriculture est très peu développée à Mayotte et le choix de fruits et légumes importés est très faible. Je n’avais jamais mangé autant de produits congelés et de conserves qu’en venant à Mayotte.

Puis sur cette île minuscule, il faut savoir se satisfaire de sa famille et de ses amis (chez vous et chez eux) parce que niveau sortie vous allez être déçus. Le bar le plus populaire de Mamoudzou est en fait un bungalow … sur un parking !

Comme je l’ai dit plus haut, le niveau médical à Mayotte est un autre souci même si la médecine française est réputée partout dans le monde. Comme avec l’éducation, il n’y a simplement pas assez de spécialistes. Par exemple, il n’y a pas de cabinets de pédiatre et dermatologue en ville. Cela ne m’a pas empêché d’être très bien soignée du COVID à l’hôpital quand je suis tombée malade étant enceinte, et même d’accoucher à Mayotte de notre fils. J’ai trouvé cette expérience plutôt bien même si les conditions d’hospitalisation ne sont pas d’un niveau 5 étoiles.

Enfin, un des grands inconvénients de la vie à Mayotte est le coût des billets d’avion car il n’y a qu’une seule compagnie aérienne en situation de monopole qui dessert l’île. Vous devez être prêts à dépenser autour de 1000 euros pour des billets aller-retour vers la métropole et 400 euros pour la Réunion ou Madagascar alors que c’est juste à côté. A tout ça, on peut rajouter les coupures d’eau et d’électricité fréquentes, la chaleur (ça dépend pour qui, moi je suis plutôt bien sous les tropiques, il doit y avoir une erreur dans mes gènes russes) et les moustiques qui transmettent la dengue.

Les avantages : 
Mais vous allez me dire, quel est donc le plaisir de vivre sur cette île lointaine ? Pour adorer Mayotte, il faut aimer la nature, la faune et la flore, et l’eau bien sûr. Le lagon de Mayotte est un de plus beaux au monde. Entre les sorties en catamaran ou avec un pêcheur pour aller sur des plages inaccessibles, le jet-ski et la plongée, il y a de quoi  faire le weekend. Ici vous pouvez nager avec des tortues tout autour de vous, faire des pique-niques sur la plage au pied d’un baobab ou encore manger des langoustes délicieuses dans un boui-boui au bord de l’eau.

On appelle Mayotte aussi l’île aux parfums pour le parfum enivrant d’ylang-ylang, de bougainvillier ou de frangipanier que l’on sent en sortant de chez soi. Nos invités communs étaient de petits lémuriens très mignons que notre fille nourrissait avec les bananes qui poussaient dans notre jardin. Cela n’a pas de prix et partager cette expérience avec nos enfants est un cadeau de la vie.

Voici la liste des choses à ne pas manquer à Mayotte :

– Faire un saut en parachute pour ceux qui aiment l’adrénaline,
– Pour les plus peureux, le vol en ULM au-dessus de l’île peut suffire,
– Passer un niveau, si vous en n’avez pas un, de plongée,
– Faire une sortie bateau entre amis sur les îlots du sud ou du nord selon la météo (voyage organisé ou avec un pêcheur ce qui est beaucoup moins cher),
– Voir le coucher de soleil lors d’un apéro au restaurant le Faré à Petite Terre,
– Faire un apéro sur l’îlot de sable blanc entre copines (voyage organisé),
– Monter sur le mont Choungui pour la vue magnifique,
– Faire un dîner romantique au restaurant Panna Cotta,
– Nager avec des tortues sur la plage N’Gouja,
– Aller au marché paysan de Coconi.

Le petit mot de la fin, des conseils à donner à nos lecteurs ? 

Pour résumer, tous les inconvénients de Mayotte étaient compensés par 3 gros avantages :

– Nous avons eu une belle maison de fonction avec une vue imprenable sur le lagon. Vu qu’on y passe beaucoup de temps à défaut de beaucoup de divertissements, c’est très important d’être bien installé.
– Nous avons été très bien accueillis par les collèges du Chef qui sont devenus nos amis très proches. C’est beaucoup plus sympa de découvrir l’île ensemble.
– Les conditions du contrat que nous avons eu (déménagement avec un container 25 m3, billets de retour pour la famille 1 fois par an, un bonus de salaire de la vie chère etc.) étaient très confortables.

Si vous vous sentez bien avec les gens qui vous entourent et que vous êtes à l’aise avec votre famille, alors toutes les difficultés de la vie mahoraise sont facilement tolérées. Si une vie simple sans glamour ni paillettes, sans aspects culturels mais avec nature et diversité sportive vous conviennent, alors vous serez bien ici.

Si vous aimez la mer, le monde sous-marin et que vous n’avez pas peur de l’aventure, alors vous serez aussi bien heureux ici que nous. Nous avons quitté Mayotte le cœur lourd et ce n’était pas notre choix. Cette expérience a été une énorme découverte pour nous : grâce à elle, nous avons appris que nous pouvions être heureux ensemble à l’autre bout du monde et laisser derrière nous le confort d’une grande ville. Nous sommes actuellement en train de tester cette théorie en Guyane …

Oh génial ! J’espère que tu te plairas ici ! En tout cas, merci beaucoup Marina pour ce témoignage. 

Si t’es expat’ et que tu veux apporter ton témoignage, fais nous signe !

Et envoie nous un petit mail à : tipiment.contact@gmail.com . pour partager ton expérience par ici.

A très bientôt sur le blog,

Marjo & Nico