Cette semaine, je reviens avec une toute nouvelle série de reportage sur des … expatriés ! Pas de panique, on continue de publier les témoignages de ceux qui ont quitté la métropole pour vivre dans les DOM-TOM. Mais on s’est dit qu’il serait sympa de te proposer un autre format. Et oui, il n’y a pas que les îles et les jolies plages qui donnent envie de tout plaquer pour vivre loin, très loin de chez nous.
Aujourd’hui, on commence avec le témoignage d’une expatriée qui vit depuis 6 ans au Sénégal et que je suis depuis quelques temps sur Instagram. Les photos qu’elle publiait sur son compte me faisaient rêver depuis quelques temps … J’ai pris contact avec elle pour faire connaissance dans un premier temps. Et c’est tout naturellement qu’elle a accepté de se confier pour partager ses aventures à l’autre bout du monde.
Jennifer est un petit bout de femme qui a tout mon respect ! C’est quelqu’un qui a eu beaucoup de force et de courage pour faire face aux épreuves qui se sont présentées, sans pour autant abandonner le rêve qu’elle s’était fixée. On peut dire que ce fut un véritable parcours du combattant ! Tout ça pour te dire qu’au final, l’expatriation peut faire rêver mais prends le temps de bien réfléchir avant de te lancer.
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VIVRE AU SÉNÉGAL :
retour d’expérience de Jennifer installée depuis 6 ans
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Salut ! Peux tu te présenter en quelques mots pour nos lecteurs ?
Hello, Je m’appelle Jennifer ! J’ai 33 ans et je suis mariée depuis 12 ans. Maman de 2 loulous de 10 et 5 ans. Je viens de Bordeaux et nous habitons depuis 6 ans au Sénégal tout précisément à Ngaparou à 2h de Dakar. Notre vie ressemble un peu à celle d’un roman mais c’est notre histoire …
Ah, tu as éveillé ma curiosité ! Pourquoi t’es tu installée au Sénégal ?
Mon mari est né a Dakar et a grandi là bas jusqu’à ses 18 ans. Puis il est parti en France pour y faire ses études et c’est comme ça qu’on s’est rencontré. De plus, son papa qui a fait 80 % de sa vie là bas et qui est maintenant à la retraite, jongle entre le Sénégal et la France. Sans oublier que son grand-frère vie également à Dakar depuis toujours. Nous y avons également 2 neveux de 12 et 16 ans.
Ah oui, effectivement c’est donc une historie de famille !
Nous avons décidé de quitter la France quand mon mari a été licencié économique. L’entreprise pour laquelle il travaillait à fermer et il s’est donc retrouvé sans emploi. Pour ma part, j’avais repris les études 4 ans plus tôt en alternance et j’étais en première année de Master Ingénierie Commerciale & Management de Projets.
Tout d’abord on s’est dit : ” Et si on quittait la France ? ” et puis , on s’est demandé : ” ok, on part où ? “. Avant toute chose, il faut que vous sachiez que tout s’est fait très très vite …
Noël 2012 : on est en pleine finition de travaux pour la maison que nous venions d’acheter 2 ans auparavant. Petite baisse de moral pour mon mari qui se dit :
– “Je vais faire quoi ?”. Il est Chef Pâtissier et a déjà travaillé dans les belles maisons de Bordeaux. Et là, il ne sait pas du tout où il va pouvoir postuler. Je lui dis :
– ” Allez viens, on quitte tout et on part ailleurs !” . Il me regarde en rigolant et il me répond :
– “Ah oui, et tu veux allez où ma chérie ?”. Je lui réponds alors que je n’en sais rien …
Mais dans ma petite tête, tout est devenu clair ! J’avais envie de partir, de voyager, de quitter la France ! Alors je regarde les DOM-TOM dans un premier temps. Je demande quelques conseils et des témoignages auprès de personnes vivant là-bas. Mais rien est clair, tout devient confus.
Février 2013 : Je dis à mon mari que je veux partir. Qu’on quitte la France pour de vrai et que je n’ai pas de destination favorite. Alors je lui dis :
– “Pourquoi pas le Sénégal ? Ta famille y est !” . Il me sourit et me dit :
– ” Et la maison ? Et notre fils ? “.
– “Bah quoi la maison et notre fils ? Et bien, on met la maison en vente et notre fils grandira là-bas tout comme toi tu y as grandis.”
Mon mari est un peu sceptique à cette idée. En même temps, il est plus terre à terre que moi et surtout, bien plus calme et routinier. Tout d’abord, il est inquiet et me dit “OK”, mais la maison va mettre du temps à se vendre … Ni une ni deux, je passe l’annonce sur le BonCoin. Et 8 jours après : elle était vendue et on signait chez le notaire !
Mars 2013 : GROSSE PANIQUE ! La maison est vendue et … j’apprends que je suis enceinte du 2ème, qui était prévu dans un ou 2 ans ! (rire) J’avais envie d’un deuxième mais avec ce projet, on avait décidé de reporter Bébé N°2 à dans 1 ou 2 ans … Et me voilà bientôt sans maison, avec un deuxième enfant, un mari au chômage et moi à l ‘école. Bon là, il nous fallait vite prendre une décision. Alors un jour en discutant avec le frère de mon mari, il nous parle d’un hôtel-resto à reprendre sur Dakar. Après quelques échanges, on adore cette idée ! Et nous voilà partis pour y aller cet été ! On négocie avec les nouveaux propriétaires pour rendre la maison le 30 juillet.
On a donc vidé la maison et emballé quelques affaires pour les mettre dans le container. On a choisi de vendre tous nos meubles et de garder uniquement la chambre de notre fils pour pas qu’il ne perde ses repères. Et aussi quelques affaires de puériculture pour bébé n°2. Ensuite, nous avons gardé nos effets personnels sans avoir fait au préalable un grand tri. Mon mari avait aussi du matériel de pâtisserie qu’il voulait emmener comme un four boulanger qu’on avait récupéré ! Oui Oui, un four boulanger ! Immense et surtout à l’époque, inutile !
– “Chéri, tu vas faire quoi avec ce four qui prend de la place et qui est aussi gros qu’une cabine d’ascenseur ?”
– “Je ne sais pas, on verra ça sera peut être utile, on ne sait jamais !” Bon, habituellement c’est plutôt les femmes qui prennent trop de choses mais là …
Et côté déménagement, quel type de container avez vous pris ?
Nous avons donc choisi un container maritime de 20m3 pour y transporter nos affaires. Il faut compter 3 à 4 semaines pour faire la traversée. À l’époque, nous avions payé 3500 euros au départ + 1500 euros de transitaire pour le sortir du port. Nous n’avons pas pris de voiture car les frais étaient très élevés pour un véhicule. D’autant plus que le modèle de notre voiture n’aurait pas été adapté au climat. Une Smart et une Seat en Afrique, je vous laisse imaginer … Un 4×4 était bien plus approprié !
Ok, c’est bon à savoir ! Et ensuite ?
Nos meubles étaient vendus et les cartons prêts. Tout part alors dans un camion pour y être stocké dans un garage de beau-papa avant le départ officiel du container … SAUF QUE : bébé n°2 a des complications. Je ne peux donc pas accoucher au Sénégal et je vais devoir finir ma grossesse en France ! Bon, on a plus de maison … Oh mon dieu ! Je suis dingue mais quelle idée ai-je eu là ! C’était la panique totale. Bébé n°2 était prévu pour octobre, je vous laisse faire le calcul de juillet à novembre … Qu’allons nous faire ?
J’imagine que ça n’a pas du être simple à prendre comme décision …
Heureusement la famille et les amis ont répondu présents ! Nous avons donc passé l‘été en vadrouille chez la famille qui n’était pas sur la région de Bordeaux. Puis en septembre, il a fallu que notre fils retourne à l‘école. Nous avons ensuite vécu 3 mois et demi chez des amis où on y était du lundi au vendredi afin de les laisser aussi un peu tranquille avec leurs enfants les weekends. Du vendredi soir au dimanche soir, on était soit chez des amis sur la région de Bordeaux soit chez d’autres amis en Dordogne. Et tout ça, avec notre voiture et nos 8 valises autorisées dans l’avion. (rire). Bref, ce fut 3 mois et demi passés dans le stress, les fous rires, la joie et la peine.
En clair, ça a été un départ plus que mouvementé ! Tu as eu à faire des vaccins, des papiers en particuliers ?
Pour aller au Sénégal, nous avons remis tous nos vaccins à jour et nous avons fait faire le vaccin de la fièvre jaune et de la rage pour notre fils sur conseil de notre médecin. Nous, on l’avait déjà car j’y avais été en vacances en 2002 et en 2007 ; et mon mari y a vécu …
Et le départ n’a pas été trop dur ?
Jour J – 9 novembre 2013 : ma famille et amis sont venus nous accompagner à l’aéroport comme mon papa qui a quand même fait 900 km de voiture. Plus une de mes sœurs qui a vadrouillé à 5h du matin avec plus de 2h de train et son bébé de moins de 6 mois … Ce fut un moment très très émouvant. Mon cœur était en joie, en stress, en larme … On y était ! On allait vraiment partir ! Tout se mélangeait dans ma tête, entre euphorie et angoisse du départ.
Nous sommes donc arrivés à l’aéroport avec un bébé de 5 semaines, un petit garçon de 4 ans et demi et 8 valises ! Dès notre arrivée, on s’est dit : “Bon on y est, c’est partie : l’odeur, la chaleur, l’ambiance, tout y est … On est bien en Afrique ! (rire). L’ancien aéroport de Dakar était plus ou moins assez folklo !
Mon beau-frère et ma belle-sœur nous ont accueilli chez eux dans un premier temps car ils nous avaient trouvé un logement. Mais il devait se faire une petite beauté entre nettoyage et peinture. Pendant 1 mois, nous avons logé chez eux à 8 ! Il faut savoir que les logements à Dakar sont assez chers, on était sur les même tarifs que Bordeaux.
Ah, quand même !!
À cet instant, je ne te cache pas que me retrouver en famille rien que nous 4 me manquait terriblement. Cela faisait plus de 5 mois qu’on logeait à droite et à gauche sans avoir de chez nous.
Notre fils a repris le chemin de l’école dès le lundi matin, soit 3 jours après notre arrivée. Une petite école maternelle française à 200 m de l’appartement, c’était parfait. Il s’y sentait bien et surtout, il s’est fait rapidement de nouveaux copains. Il était en dernière année de maternelle. On avait aussi une nounou à la maison pour notre fille de 5 semaines.
Nous voilà avec notre nouvelle vie à Dakar. Nous prenons nos marques : je ne conduis pas encore, j’ai un peu peur car la circulation est assez borderline pour un français qui arrive (rire). Je prends le taxi ou je marche. Il m’aura quand même fallu un bon mois avant de prendre la voiture et de conduire ! Dakar n’est pas évident … c’est à 80 % bouché et la circulation n’est pas toujours simple à comprendre …
Et du coup, ces premières années ?
Notre arrivée et notre vie à Dakar ont été assez compliquées les premières années. Il faut savoir que notre fille a fait une grave allergie au lait à J+9. Elle a été hospitalisée à Bordeaux très rapidement. Elle y est restée une semaine puis on est parti sur une base de lait sans PLV (sans protéines de lait de vache). Sauf que, oui il y a toujours un mais ! Notre fille a une petite masse derrière son pancréas. J’ai expliqué aux médecins notre projet de vie. Etrangement, on est soutenu et cela ne leur fait pas peur du moment que je rentre en France refaire un bilan par la suite. Nous voilà donc partis avec notre petite louloute de 2,7 kg. Trouver des boîtes de lait sans PLV au Sénégal a été un véritable calvaire ! En décembre 2013, je devais de nouveau faire un aller-retour en France pour faire un point avec les médecins sur la petite masse. Verdict : “La masse a grossi mais on ne sait pas ce que c’est !”. Ils me demandent alors de revenir en février 2014 …
Donc me voilà de retour à Dakar, mon fils à l’école, ma fille avec la nounou … Mon mari et moi en mode boulot pour prendre nos marques à l’hôtel-restaurant pour faire la passation et reprendre les commandes à partir du 1er janvier.
SAUF QUE … Oui, tout ne se passe pas toujours comment on veut. La gérance ne se fait plus, l’établissement va être vendu ! Autant te dire que les gérants actuels et nous, on ne s’y attendait vraiment pas. Je ne vais pas te cacher qu’à ce moment-là tout s’écroule. Je me demande alors si on a fait le bon choix : entre le déménagement, l’hôtel et surtout notre fille malade. Je m’en veux énormément, les doutes prennent place et je me renferme comme une huître sur moi-même dans un état quasi-dépressif pendant plusieurs jours … En regrettant mes choix de vie.
Ma meilleure amie m’appelle un jour et me dit : “Oh Jenny, qu’est-ce que tu fous ? Ça fait 3 semaines maintenant ! Remet toi en selle, ce n’est pas la Jenny que je connais. Bouge ton cul et réfléchie à un plan B !”
Plan B ? Ok, mais quel plan B ? Mon mari trouve du travail dans un établissement de luxe afin de ne pas puiser dans nos réserves financières. Pour ma part, je refuse le poste qu’on me propose. Je n’ai pas voulu paraître hautaine ou autre, c’est que je pars du principe qu’on a pas tout sacrifié en France pour repartir salarié. À la base, on voulait notre indépendance et notre liberté.
Début Février 2014 : je prends la voiture avec mon beau père pour partir sur Saly-Ngaparou. Je n’y avais pas remis les pieds depuis 2002 ! Après quelques échanges avec les directeurs d’un complexe commercial en plein air, je trouve un local. Je me dis alors : “C’est ici qu’on va ouvrir notre affaire !”. Je m’y vois déjà : une boulangerie / pâtisserie / salon de thé. Ni une ni 2, je sors mon chéquier et je réserve avec mon beau-père le local. Je suis rentrée le soir en disant :
– “Chéri, j’ai trouvé un local ! J’ai payé 10 000 € d’acompte et on part vivre à Saly-Ngaparou pour y faire une boulangerie-Pâtisserie !”
– “Tu as fait quoi ??????” . Je vous laisse imaginer la tête de mon mari, j’en rigole encore …
Deux jours après, je prenais l’avion avec ma fille pour son RDV hospitalier. Mon mari avait RDV lui aussi pour signer le contrat de bail commercial pour le nouveau local.
14 février : La nouvelle tombe. Je suis à l’hôpital depuis 1 semaine. La biopsie de notre fille s’est transformée en opération pour retirer la masse. C’est un neuroblastome, une tumeur. Une opération, des analyses plus tard … Ils n’ont pas pu retirer à 100 % la masse mais seulement 90 %. Je vois un puis 2 puis 3 médecins. ils me rassurent, ils m’ont beaucoup épaulé avec l’aide de mes amis en France car j’étais seule, sans mon mari et mon fils. Nous avons fait presque 2 mois d’hôpital. Des moments pas évidents, une épreuve difficile où l’on se remet en question sur nos choix de vie. Mon mari garde espoir en nos projets et me réconforte chaque jour au téléphone. Les médecins sont clairs : vous pouvez vivre en Afrique, on y voit aucune contre-indication, au contraire, c’est chouette pour vos enfants. Mais, car il y a toujours un MAIS, iI faudra revenir tous les 2 mois. Dix jours minimum pour faire le suivi de la masse restante.
Me voilà de retour le 29 mars au Sénégal. Mon mari me dit qu’il a donné le préavis comme prévu pour notre appartement le 31 mars.
– “OK. Mais la maison, tu en as trouvé une à Saly ?”
– “Euhhhhh, j’ai pas trop eu le temps et je me suis dit que tu aimerais trouver toi même la maison de tes rêves !”. Oh mon dieu !
Je pars en speed à Saly. J’y trouve une maison en 24h au même prix qu’à Dakar. Le 31 mars s’en suit le déménagement à l’arrache total (rire).
Le 2 avril, notre fils refait une 3ème rentrée scolaire dans une 3ème école. J’ai un peu peur car c’est quand même beaucoup de changement pour lui. Surtout qu’il n’a pas vu sa maman depuis 2 mois. Je me dis que cela fait beaucoup pour un petit bonhomme de 5 ans …
Pas facile pour tout le monde … Mais tu as quand même réussi à t’en relever plus forte que jamais ! Tu es toujours au Sénégal, tu vas ouvrir une boulangerie … Vous êtes ensemble, ta famille est plus soudée et unie qu’avant. Comment se passe votre vie là-bas ?
A ma grande surprise, tout se passe bien ! Notre fils est heureux, c’est le plus important. Nous voilà donc dans les travaux d’aménagements des locaux. Le 23 mai, c’est l’ouverture de notre boulangerie / pâtisserie / salon de thé / snack de midi. On l’a appelé : le Ka’NELL Café & Pâtisserie. Ce fut une journée intense en émotions. Travailler dans un nouveau pays avec des cultures différentes n’est pas de tout repos. Et 5 ans après, je me dis que ce n’est pas tous les jours faciles même aujourd’hui. Rien n’est jamais acquis ! Mais j’adore mon équipe et avec mon mari, on se soutient énormément.
Pendant les 3 premières années, j’ai fais des A/R en France tous les 2 mois puis tous les 4 mois pour notre fille. Sa tumeur était stable et ne bougeait pas. À partir de la 4ème année, on est passé à 6 mois pour les visites.
Et là, la distance prend le dessus.
Jusqu’à présent, je ne me rendais pas compte de l’éloignement et de mon expatriation à l’étranger vis à vis de ma famille et de mes amis. Mais là on y est : après l’euphorie du départ, me voilà avec mes doutes, mes angoisses et un manque réel des personnes qui me sont chères. Je me suis fait de nouveaux amis mais je ne peux pas oublier ceux qui sont en France. Je suis partie, ok, mais je vous ai encore dans mon cœur.
Il y a un an, le revers de cette expatriation est venu me frapper en plein visage. Je sombrais dans la déprime petit-à-petit. Je ne voyais le verre à moitié vide au lieu de le voir à moitié plein. Mon travail, ma vie ici, les clients … Je ne supportais plus rien. Car il faut bien l’avouer, les clients ne sont pas toujours très tendres surtout en ayant une clientèle aussi expatriée et difficile par moment. Mais je pense que à ce moment-là, c’était un ensemble de choses J’étais simplement fatiguée moralement. Je ne le souhaite vraiment à personne mais vivre 3 années comme celle-là, je pense que plus d’une maman aurait craquée comme moi à un moment donné.
Les Sénégalais sont très chaleureux et accueillants. Certains sont fatigants à vouloir toujours négocier sur tout mais bon c’est le pays qui est comme cela. Au fond il n’y a pas de méchanceté, c’est culturel. Aujourd’hui avec plus de recul, j’aime beaucoup notre vie ici et on ne regrette pas nos choix même si par moment on rencontre quelques difficultés. Le plus important pour ma part, c’est le bonheur de mes enfants.
C’est vrai, d’ailleurs je ne sais pas comment tu as fait pour tenir aussi longtemps, je pense que j’aurai craqué bien avant ! Et si tu devais raconter une journée type, ça serait quoi ?
Le matin, mon mari part vers 5h30 au travail. Pour ma part, le réveil sonne 1h plus tard avec les enfants à préparer pour l’école. Les années précédentes, ils avaient école de 8h à 13h uniquement. Cette année, dans leur nouvelle école bilingue, ils font 8H30- 11H30 / 13H-15H. Le midi, ils mangent leur lunch-box que je prépare le matin. Sur les mêmes horaires, je suis au travail. À 15H/15H30, on rentre à la maison avec mon mari pour s’occuper d’eux et faire les devoirs etc … Deux fois par semaine, de 17h à 19h, on a sport. Mon fils et moi-même faisons du padel et ma fille de la danse. Le mercredi après l’école, c’est judo pour les 2 loulous.
Le mercredi, c’est notre jour de repos avec mon mari. Mais bien souvent, on va la journée sur Dakar pour des raisons professionnelles. Les autres jours, je ne te cache pas que l’on va aussi de temps en temps passer la fin de journée à la plage et boire un soft les pieds dans le sable devant un joli « Sunset ». Le soir, nous ne sortons pas souvent. Il faut dire qu’on se lève tôt et on est assez épuisé.
Pour profiter aussi des enfants, on essaie de prendre un week-end par mois en “OFF” car nous travaillons habituellement tous les weekends. C’est aussi ça la restauration : des horaires pas toujours évidentes.
Et la vie là-bas, est elle chère par rapport à la France ?
La vie ici est assez chère notamment les frais de scolarité et les frais de couverture santé. Après bien évidemment les produits importés mais je pense que c’est partout pareil. Côté médical, tu l’as compris, c’est assez compliqué. Pendant toutes ces années, j’ai fait des A/R en France car il était impossible de faire ça ici.
Ma vie ici m’a fait prendre conscience de beaucoup de choses. Notamment sur la façon de vivre. Il faut dire qu’en France, j’étais une grande consommatrice sur tout et rien. Et une accro au shopping ! Arrivée ici, dans ce pays, les boutiques déjà se font rares (rire). On change notre vision des choses sur la consommation. Je me rend compte que j’étais réellement dans la surconsommation. Je deviens donc au fil du temps un peu plus minimaliste et quand on rentre de vacances, les achats sont plus réfléchis et on privilégie les enfants car on a pas beaucoup de valises.
Étant dans la cuisine-pâtisserie, je n’ai jamais été trop accro à la junk-food ou les produits industriels. Mais là, ce pays rempli de déchet plastique me rend folle. Je suis en marche vers un mode de vie Zéro Déchet. Enfin, faire au maximum comme je peux. Je suis encore bien loin du total Zéro déchet mais je fais en fonction de mes moyens et des moyens qui s’offrent à moi. Ici pas de tri, pas de système de recyclage. Rien n’est prévu. Mais en intégrant depuis peu une communauté « Zéro Déchet Sénégal », j’espère apporter et recevoir les changements possibles dans notre façon de faire. Car ce sont les générations futures qui seront impactées par tout ceci si nous n’adoptons pas maintenant les bons gestes. Même en étant qu’une goutte d’eau dans l’océan, j’apporte ma vision du petit colibris.
Et ta vision de la France, a t’elle changé ?
Ma vision par rapport à la France a bien évidement changé. Mais je ne peux pas renier mon pays d’origine. Je suis née en France et j’y ai vécu 28 ans avant d’arriver ici. Mais je me rend compte qu’en France, j’avais réellement un mode de vie Métro-Boulot-Dodo. Je te dirais qu’ici c’est à peu près la même chose mais avec une vie plus douce et moins stressante.
J’ai préféré gagner moins d’argent mais consacrer plus de temps à ma famille. J’ai préféré économiser sur des choses superflues et faire plus de voyages pour avoir tout pleins de souvenirs en famille. Je suis bien loin d’être riche financièrement mais je le suis culturellement et émotionnellement.
En France, on mettait finalement beaucoup de nos économies pour notre confort personnel, notre maison et aussi dans le superflu. Ici on ne peut pas se permettre d’acheter une maison car les taux bancaires sont bien trop élevés. Alors nous avons décidé de vivre un peu au jour le jour en voyageant autant que possible et en acceptant qu’un jour, on aura notre maison à nous bien plus tard. À ce jour, nous avons un toit pour dormir, de l’argent pour se nourrir, une famille en bonne santé malgré notre passé et des voyages pour les souvenirs. Et franchement, jamais je n’aurais cru ressentir ça un jour. Si on m’avait dit ça il y a 5 ans, je pense que beaucoup aurait ri autour de moi.
Qu’est ce qui est le plus difficile dans cette expatriation ?
Le plus difficile, même 5 ans après, c’est l’éloignement. Au départ avec mes va-et-vient, je ne le ressentais pas vraiment. Puis les retours se sont espacés, ce qui a créé un vide en moi. L’amitié est une chose très importante à mes yeux, j’y ai toujours accordé beaucoup d’importance. J’ai toujours donné mon amitié à 100 %, parfois limite étouffante, je le sais mais je suis comme ça. Quand j’apprécie une personne je suis entière.
Ce comportement m’a donc éloigné sans le vouloir des gens que j’aimais encore en France. C’est très difficile d’accepter que chacun suit sa route, ses envies, son avenir sans vous. On se dit même par moment, qu’on a jamais été vraiment amis ou même, qu’au final, on ne représentait pas grand-chose. Mais les véritables amitiés restent malgré les déboires, les tempêtes, les colères et la rancœurs. J’ai compris avec le temps que cet expatriation m’aura permis de faire du tri et de revoir la signification du mot AMI.
Aujourd’hui encore quand je rentre en France, c’est toujours vers les même personnes que je me tourne et que je vais voir. J’ai appris et j’apprends encore, à laisser couler et à ne plus faire le premier pas pour prendre des nouvelles. Cinq ans où je prenais toujours le téléphone pour prendre des nouvelles la première. Cette année je me suis dis stop. Laisse le temps couler et attend de voir qui viendra. Et surtout, profite de ta famille qui est présente chaque soir à tes côtés.
Comme je te comprends ! Je me suis faite la même réflexion lors de notre séjour en Martinique. Autant te dire que le tri a été vite fait ! Et sinon, as-tu déjà ressenti de l’insécurité au Sénégal ?
Au Sénégal, l’amitié se fait très vite. Du moins, des connaissances dans un premier temps. Finalement, c’est comme un petit village français où tout le monde se connaît et où tout le monde parle sur l’un ou l’autre. Toutefois en 5 ans, je n’ai jamais ressenti d’insécurité ici ni de racisme. Mon mari était bien plus inquiet de me savoir en France pour les RDV de ma fille, notamment en période d’attentats.
En tout cas, tu as l’air de t’y plaire. Que peux-tu nous dire sur ce pays ?
Le Sénégal regorge de sites fabuleux ! Mon premier coup de cœur c’est la maison familiale de mon mari à Mbodienne. Située à 1h de chez nous, cette maison au bord de la lagune au beau milieu de nulle part, apporte un sentiment de paix et de bien être absolu. Il n’y a rien aux alentours mais elle est tellement chargée de souvenirs … J’y ai mis les pieds pour la première fois en 2002 et depuis, j’adore y aller les week-ends où l’on profite tout simplement de la vie, des enfants à travers des jeux d’eau et de sociétés, ces petits moments de rire, les ramassages de coquillages, la pêche à la ligne, les baignades tardives au coucher de soleil … Bref des moments magiques qui, j’en suis sure, apporteront autant de bons souvenirs à mes enfants.
Je pourrais également te parler du Désert de Lompoul à 3 h de Saly-Ngaparou. Mais aussi de l’Eco-lodge de Lompoul, une bulle dans le désert où tu descends les dunes en bodyboard en guise de luge sous un fabuleux coucher de soleil. Sans oublier les nuits sous des tentes mauritaniennes après avoir mangé un bon couscous autour des bruits des tam-tam. Le lendemain matin, tu vas faire une balade en dromadaire pour explorer un paysage époustouflant où le désert s’étend à perte de vue … A l’opposé de Lompoul, tu peux passer le week-end à la découverte du Siné-Saloum. En passant par l’Eco-lodge de Simal, l’Eco-lodge de Palmarin, Le Souimanga Lodge et bien d’autres encore … Les campements ont des styles différents mais ils préservent la nature telle qu’elle est.
Quand nous partons là-bas avec ma jolie Tribu, nous adorons faire un stop au campement Le Koniguy situé sur l’île Marlodge. Pour s’y rendre, tu fais d’abord 1h30 de voiture puis 30 min de pirogue. Bien souvent, nous partons en fin d’après-midi après le travail, pour avoir la chance de faire la traversée en pirogue sous un beau coucher de soleil au beau milieu des palétuviers du fleuve. Mais arrivé là-bas, tu ne seras pas déçu par l’accueil très chaleureux. Je m’y sens comme à la maison car les propriétaires considèrent leurs hôtes comme une grande famille. La cuisine autour des produits locaux est excellente. Un filet de Thiof accompagné d’une sauce Bissap. Miam ! Bon il ne faut pas évidemment oublier de mettre de côté certains plats traditionnels comme le Thiéboudienne ou le Poulet Yassa qui sont des plats locaux très gourmands !
Ca donne envie en tout cas ! Et quelle est ta période de l’année préférée ?
La période de l’année que je préfère, c’est du 15 octobre au 15 décembre. La chaleur de l’hivernage est encore présente mais l’humidité est moindre. Mais le plus beau c’est de découvrir le Sénégal côté « Vert » et l’eau de l’océan avoisine les 28 voire les 30 degrés. Si tu viens en février durant les vents de sable où le paysage est plus sec et que tu reviens en fin d’hivernage, tu découvriras deux paysages différents. C’est à partir de fin mai – début juin que l’eau se réchauffe. L’humidité arrive vers juillet aux premières pluies qui ne durent guère bien longtemps. Tu peux très bien avoir 1h de pluie le matin avec un temps très gris et te prélasser ensuite sur ton transat sous 38 degrés avec un ciel bleu en plein après-midi !
En parlant de ça, je pense au cadre de La Somone : c’est un très beau village entre lagunes et mangroves où l’on peut faire de longue balade de 7/8 km en Stand Up Paddle. On y découvre aussi le parc à huîtres de chez Norbert, le restaurant Chez Bouba où tu manges de bonnes brochettes de lotte ou des camerones grillées les pieds dans le sable en face de l’Océan et de la lagune. Tu iras ensuite admirer les palétuviers lors d’une balade en pirogue avec John ou pour les plus courageux, une balade en équilibre sur un Stand Up Paddle pour se faufiler entre deux palétuviers à la Ko Lanta tout en respectant mère Nature.
Avec ma fille et mon beau-frère, nous adorons ces balades tardives où le ciel laisse place à une couleur orangée. Ma fille du haut de ses 5 ans adore prendre place depuis toute petite sur le devant de ma planche pour faire de longue promenade avec nous. Des fois c’est notre berger-husky qui prend sa place mais nous ne le prenons que très rarement car c’est une réserve naturelle qui accueille tout au long de l’année des oiseaux comme des hérons, des pélicans ou encore des aigrettes.
Nos dimanches après-midi après le travail, sont souvent des dimanches où l’on se retrouve en famille chez Bouba. Tous les soucis de la semaine s’envolent quelques heures le temps d’un après-midi ou l’on profite de notre famille et parfois même, accompagné de nos amis.
Waouh, c’est génial de pouvoir vivre ça avec ta famille ! Jennifer, veux-tu partager un petit mot pour la fin ?
Ce pays nous accueilli, ce qui nous a permis de réaliser un de nos grands rêves : ” L’ entreprenariat “. Je t’avoue qu’en France, jamais je n’aurais osée ou même eu le courage de me lancer dans cette aventure. Mais ici je n’ai pas eu peur des jugements ni de l’échec. On a avancé sans réfléchir, même si par moment, ce n’était pas forcement les bons choix. Mais, on a avant tout relevé tous les défis qui se sont présentés. Je suis de celle qui dis et redis bien souvent : “Il n’y a pas d’échecs dans la vie mais seulement de l’expérience”. Je ne sais pas où je serai dans 1 an, 5 ans voire 10 ans. Mais une chose est sûre, c’est que je serai entre deux pays : la France et “?”, là ou l’on posera nos prochaines valises.
J’encourage tout ceux qui sont comme nous, à rêver de voyages et d’aventures, à faire le premier pas. Comme Lao Tseu a dit un jour : « Même le plus long des voyages commence par un premier pas ». Nous avons vaincu la maladie, les angoisses, les obstacles de la vie en tout genre mais on au final, on les a surmonté. On a gagné à être plus heureux et de partager des moments magnifiques, ici, en famille. Nous avons goûté à l’expatriation il y a 5 ans : nous avons connu des galères, rencontré des difficultés en chemin mais nous avons pu faire des rencontres fabuleuses. Rencontres qui sont devenues par la suite, des amis, notre deuxième famille. Et aujourd’hui, on veut poursuivre l’aventure n’importe où ailleurs car la vraie vie est une aventure au final non ? Rien n’est impossible, il suffit d’y croire et d’avoir le courage de faire le premier pas.
Et c’est bien vrai ! En tout cas, merci beaucoup Jennifer de m’avoir accordée un peu de temps pour répondre à mes questions. Tu m’as donné envie de m’envoler au Sénégal ! On te souhaite une belle continuation et tout plein de belles aventures avec ta famille.
Et toi cher lecteur, une expatriation au Sénégal te tente ? Connais tu déjà ce pays ? As-tu des questions pour Jennifer ? N’hésites pas à les poser en commentant cet article ;)
Si t’es expat’ et que tu veux apporter ton témoignage, lèves le doigt ! Et envoie nous un petit mail à : tipiment.contact@gmail.com . On serait ravie de partager ton expérience par ici :)
A très bientôt sur le blog,
Marjo & Nico
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10 commentaires
Bonjour,
Un article qui m’a été très utile. Merci d’avoir partagé votre histoire Jennifer
Bonjour,
Ton article est très intéressant
Je me permets de te contacter car je vis actuellement en France avec mon mari et mes enfants.
Nous avons pour projet de nous installer au Sénégal, je travaille actuellement en crèche auprès des enfants en tant qu’Auxlaire de puériculture, je souhaiterai postuler auprès de crèche au Sénégal.
Il y a t il une crèche au sein des ambassades ? Ou d’autres crèches qui recherche et comment postuler de la France ? Si c’est possible
Merci à vous pour votre aide.
Sara GRALL
Bonjour,
Merci pour ce superbe témoignage et bravo à vous pour votre parcours si magnifique.
J’aurai une question, niveau assurance, vous conseillez la cfe + complémentaire ou assurance expat dès le premier euro ?
Merci d’avance de votre réponse et bonne continuation à vous ;)
Bonjour,
Votre témoignage m a scotché .
Je vais à la Somone tout les ans au mois de décembre pour les vacances et je traîne souvent au petit zinc à Saly .
Mon rêve et de finir mes jours au Sénégal et votre témoignage décri parfaitement les avantages et inconvénients de l expatriation.
Vous avez un moral de dingue et une volonté de fer .
Après cette m…. de pandémie , j irais vous faire un petit coucou sur Saly
Bon courage
Olivier Belgique
Bonjour . Joli témoignage.étant moi même d’origine sénégalaise mais grandi en France j’ai vraiment envie de sauter le pas et d’y vivre en famille avec mes 2 enfants. Mais voilà on a encore un peu peur … mais votre témoignage me motive. A suivre … en tout cas merci et courage
Bonjour
Je trouve bien dommage que vous ne répondiez pas au commentaire
Bonjour … alors avant tout excusez moi.. je ne suis pas retourné sur cet article depuis des annees. Et je n’ai pas de notification quand on me laisse un commentaire . Mais toutes les personnes qui me contacte via les réseaux sociaux FB ou Insta je leur ai tjs répondu et même conseillés . Et depuis bcp sont d’ailleurs venue vivre ici . Avec plaisir je vous raconte la suite de notre aventure . N’hésitez pas à me
Contactez sur les réseaux ou mon mail : merdjanopoulos@gmail.com . À bientôt
Merci Jenny :)
Hello à tous.. je suis Jenny… de la Tribu JYLE… je suis désolée si je n’ai pas répondu à tous. Je n’étais pas venu par ici depuis très longtemps. Je n’ai pas forcément connaissance des messages . Donc n’hésitez pas à me contacter sur Instagram : Tribu_j.y.l.e ou par mail merdjanopoulos@gmail.com et je me
ferais un plaisir de vous raconter la suite et nos conseils d’expatriation depuis 2013 a bientôt Jenny
Salam
Super projet de vie! On s’est donné un planning et hop, on va vous rejoindre. Je me renseigne sur les école présentement…
Ciao Aminata